Book of reviews

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a selection of various reviews i wrote on letterboxd. some texts are very old, bear with me. i will write new reviews one day

Ofrandā (2023)

Te souviens-tu de notre promenade il y a de cela plusieurs années? Peut-être était-ce l’été. Non, j’ai un souvenir vague que nous portions des manteaux légers. Peut-être était-ce alors la fin du printemps, le début de l’automne. Nous nous baladions dans les rues de mon ancien quartier, sans destination, discutant de nos vies, nos idées, nos projets. Étions-nous toujours à l’université? Je crois que nous venions tout juste de la quitter. Le monde s’ouvrait à nous et plus personne n’était là pour nous guider. Je savais que j’avais encore besoin de temps, que je devais continuer mes études. Mais toi tu n’en étais pas à ton premier diplôme. Ton regard d’architecte ne t’avait pas abandonné, les lieux t’inspiraient des films. C’est en passant devant l’un d’eux que tu me parlas pour la première fois de ton idée. Une cour d’école bétonnée en serait le décor. Je ne comprenais pas tout encore, mais ton pitch m’inspirait, je voulais voir sur l’écran ces images que tu me décrivais et que j’ai eu l’honneur de lire dans de vieilles versions de ton scénario.

Puis, le temps passa.

Depuis, j’ai vécu dans trois quartiers différents et toi, tu habites dans celui où nous errions il y a de cela une vie. Nous ne nous parlons plus autant. Je n’ai jamais eu de talent pour garder contact, surtout avec celleux que j’ai rencontré dans ma vie tangible, celle où je ne peux pas me modeler comme je le désire, où ma forme ne correspond pas à l’image que j’ai de moi. J’ai de la difficulté à faire des plans avec les autres, je ne sors pas beaucoup. Je vais travailler, faire les courses, visiter quelques lieux que j’aime et qui me font sentir bien, mais sinon je suis sédentaire. Assister à la projection de ton film lors de la dernière édition du festival du « nouveau »* cinéma m’angoissait. Je n’aime pas beaucoup les foules, surtout quand je sais qu’il y aura plusieurs fantômes de mon ancienne vie, des visages que je n’ai pas vu depuis des années, avec qui je devrai faire la conversation, parler de ma vie dont je ne suis pas pleinement satisfaite. Après t’avoir câliné dans le hall de la cinémathèque, je m’installai au fond de la salle, incognito, encore l’une des seules personnes à porter un masque. Je regardais les gens entrer, les ongles enfoncés dans les accoudoirs, nerveuse, voyant quelques personnes que je connaissais, personnes que je n’ai pas salué à la fin de la projection, quittant les lieux comme un voleur. Je t’enverrai un message dans le métro pour parler de ton film.

Les programmes de courts-métrages sont toujours épuisants. Sauf si celui qui m’intéresse est le tout premier, je n’ai plus d’énergie quand il est enfin projeté sur le grand écran. Je tombe dans une transe, un surplus d’histoires, d’émotions. Le pathos omniprésent dans le milieu des courts m’épuise. Puis, ton film arriva et m’offrit une trêve. Une patience et une maturité que les autres films n’avaient pas, l’histoire simple d’une jeune fille qui désire créer un pont entre elle et le monde. Je retrouvai à l’écran ces idées partagées avec moi lors de notre balade, je voyais une version plus accomplie des scénarios que tu m’avais fait lire, je te voyais toi. J’étais très fière de ton travail. Le court était le fruit d’une longue bataille semée d’embûches qui parfois apparaissaient comme des murailles, mais tu as su les surmonter. Lorsque ton film se termina, j’en voulais plus. J’avais hâte de voir ton prochain projet, où tu irais cette fois-ci. Mais surtout, j’avais très hâte de te revoir, d’errer à nouveau avec toi. Maintenant que l’hiver est presque terminé, veux-tu qu’on aille se balader?

*Je mets « nouveau » entre guillemets puisqu’il n’y a rien de nouveau dans la programmation de ce festival triste. Les films sont les retailles des autres festivals de fin d’été, les mêmes qui sortiront assurément quelques mois plus tard dans nos salles, voir parfois seulement quelques jours après la fin du festival. La programmation est nouvelle que dans le sens le plus propre: les films présentés sont, pour la plupart, nouveaux, récents. En ce qui concerne leur contenu, ils manquent d’audace, d’originalité. Le festival se tourne et publicise les œuvres qui feront beaucoup d’entrées au lieu de mettre de l’avant celles qui sont plus insolites, plus nouvelles. Il y a de l’or caché sous toute cette boue, mais le festival ne veut pas qu’on la trouve; la bouette lui ait plus profitable

The More I Zoom in on the Image of These Dogs, The Clearer it Becomes That They Are Related to the Stars. (2023)

inside every living things there are galaxies

La région centrale (1971)

La langue est toujours un enjeu. Née d'une famille francophone dans une province francophone dans un pays anglophone, mon quotidien est majoritairement du français parsemé d'anglais. Je lis trop peu en français, je choisis les sous-titres anglais quand je regarde un film étranger, je suis très peu de personnes qui parlent ma langue. Alors, pourquoi choisir d'écrire dans celle-ci et non pas dans cette langue universelle que tout le monde comprend? Après tout, la plupart des gens qui me suivent ici ne sont pas dans un pays francophone : ils sont en Inde, en Arabie Saoudite, en Catalogne, aux États-Unis… C'est surtout avec ces personnes que j'interagis en dehors de cette plateforme, excepté celles que je connais hors de mon ordinateur (et qui étaient en grande partie à la projection de ce soir). C'est pour elles que je veux écrire, mais je n'y arrive pas. Peut-être que malgré l'anglais dans lequel je nage mon cerveau reste configuré en français et qu'écrire dans cette langue seconde ne me vient pas aussi facilement, n'est pas aussi naturel. Mes phrases ne sont pas très belles, les bons mots ne me viennent pas en tête. Pourquoi me casser la tête à chercher des mots et des synonymes alors que je peux simplement écrire dans cette langue comprise par une trentaine de mes followers? De toute façon, pour qui j'écris? Pour qui écrivez-vous quand vous postez des textes sur cette plateforme? Pour vous? Pour un public? Peut-être que si j'ai gardé le silence pendant deux années c'est parce que je n'avais personne pour qui écrire. Je ne ressentais aucun besoin de le faire. Pourquoi sortir de mon mutisme maintenant? Est-ce que j'ai quelque chose à dire sur La région centrale?

Non, pas vraiment.

À 658 kms à l'est de Sept-Îles est née l'histoire d'amour entre mon grand-père et ma grand-mère. Elle, habitante d'un village accessible que par la mer ou les airs, lui, scientifique au Ministère des Pèches, des Océans et de la Garde Côtière. Lui, francophone, elle, anglophone. Pendant que la caméra se balançait, je les voyais danser dans ce décor qui était le leurs, une valse à travers les pierres ancestrales. Au loin, un lac, qu'ils naviguèrent en observant la lune. Plus loin encore, un glacier, témoin de leur premier baiser. Devant l'immense solitude du Golfe du Saint-Laurent, mes grands-parents se trouvèrent pour ne jamais se séparer. Devant La région centrale, je me trouvais en terrains connus, face à mon paysage. Comme le dit Agnès, si on ouvrait les gens, on y trouverait des paysages. Moi, si on m'ouvrait, on trouverait ceux du nord-est du Québec.

Merci Michael, je me sentais à la maison.

What Do We See When We Look at the Sky? (2021)

Attention! Dear Audience Please close your eyes after you hear the first signal When you hear the second signal, open your eyes again

Trois. Deux. Un. Signal sonore. Je ferme les yeux, comme les intertitres me l'ont demandé. Je ne sais plus ce qu'il se passe sur l'écran de mon téléviseur. Tout est noir. Lentement, des oiseaux naissent du silence laissé par l'alarme. Je les écoute me chanter leurs chansons. Je sens des larmes coincées sous mes paupières. Deuxième signal sonore. J'ouvre les yeux. Les larmes se libèrent sur mes joues. J'ai une épiphanie. C'est le premier film que je vois de ma vie. En absence d'image, j'ai redécouvert le cinéma.

What Do We See When We Look at the Sky? est parfait pour accompagner la neige d'avril. Comme la neige de printemps, il est empreint de magie. Il est un vent de douceur et de mélancolie, qui annonce les beaux jours à venir.

An Evening (2013)

Mon grand-père est mort il y a un peu plus d’un mois. Ma grand-mère se prépare à déménager et la maison qu’elle habite depuis plus de quarante ans se vide petit à petit, chaque enfant et petit-enfant partant avec des morceaux de son passé. Le bungalow reste dans la famille, ma cousine l’a acheté, elle planifie déjà des rénovations pour le rendre plus moderne. Il ne restera plus aucune trace de mes grands-parents ni de l’enfance de mon oncle et de mes tantes et de ma mère. Ma cousine bâtira sa propre histoire sur les restes de l’histoire familiale.

Moi pendant ce temps je suis ici. Je travaille. J’assiste à des cours en ligne. Je fixe mon écran d’ordinateur en espérant que le temps passe plus vite. Je me demande pourquoi je ne suis pas là-bas. Pourquoi je ne visite pas la maison une dernière fois avant que tout ne change. Je désire la documenter. La marquer, la garder, pour pas qu’elle disparaisse, alors qu’elle est déjà en processus de disparition. J’ai peur d’être en retard.

Un petit mot pour dire que Sofia Bohdanowicz est peut-être ma cinéaste canadienne (j’inclus le Québec) contemporaine préférée. Tous ses films sont pour moi comme de grandes vagues d’émotions. Elle me fait pleurer sur ses souvenirs.

MS Slavic 7

Le film m’a rappelé quand j’ai visité les archives nationales pour trouver des articles écrits par mon grand-père paternel. Cette même rigueur à l’accueil (quoiqu'à la BANQ c'est un gardien de sécurité qui nous introduit aux archives), et cette même excitation en découvrant l’objet de nos recherches. On le prend dans ses mains, on le tourne dans tous les sens, on observe chaque recoin pour peut-être y découvrir quelques secrets. Le contenu ne m’intéressait pas, mais la matérialité des articles si. N’ayant jamais connu mon grand-père, je sentais que je créais un lien avec lui, qu’une relation plus tangible se développait entre nous. C’était comme si je le rencontrais enfin. Il revenait d’entre les morts à travers ces vieux magazines océanographiques.

Sur une autre note sinon, ce film me définit assez bien puisqu’il est majoritairement de l’orgue et du ASMR de papier. C’est mon vibe.

Star Wars: Episode III – Revenge of the Sith (2005)

L’Odéon du quartier Saint-Roch de Québec a fermé ses portes en 2011. Je n’y suis allé qu’une seule fois. Avant ça, je fréquentais essentiellement le cinéma de ma ville, plus petit, et je n’avais que quelques expériences dans de grands multiplexes, toujours pour des anniversaires.

Cette journée-là, je ne savais pas que j’allais au cinéma. Je pensais que mes parents et moi ne faisions que marcher. Saint-Roch est loin d’être mon quartier préféré de Québec, surtout maintenant avec cette tentative plutôt ratée de moderniser l’arrondissement. Par contre, j’ai toujours aimé l’histoire de l’endroit. Je sais que le quartier a brûlé et qu’ils ont tout reconstruit. Je sais qu’avant il y avait un quartier chinois, et tout ce qui a survécu suite à la démolition c’est un restaurant, qui a peut-être la plus belle façade en ville. Le cinéma n’était pas très loin. Tout ce qu’il en reste de nos jours c’est son stationnement, qui porte toujours son nom. En tout cas, nous marchions, et quand mes parents m’annoncèrent notre destination j’étais fou de joie. C’est encore à ce jour l’un des trois seuls films que j’ai vus avec mon père et ma mère en salle, le premier étant Harry Potter 1 (qui est, je crois, ma première expérience dans un cinéma) et l’autre étant Agent Cody Banks 2 (oui). C’était donc un événement de le voir en leur compagnie, qui était encore plus important puisque je le voyais dans une salle inconnue.

J’ai de vagues souvenirs de l’intérieur. Je sais que le cinéma ressemblait à ceux qu’on voit dans les films. Je le trouvais beau. Le popcorn venait dans une boîte Star Wars, avec des friandises et la nécessaire boisson gazeuse. C’était la première fois que je voyais ça ! Il n’y avait pas ce type de combo au cinéma de ma ville, et s’il y en avait un similaire je l’ignorais. J’étais ébloui. La salle était très grande. Tout comme le reste, elle était rétro. Dans ma tête, tout était doré, avec des accents rouges, mais c’est peut-être seulement mon imagination. J’imagine une version un peu moins luxueuse du cinéma Impérial. Le cinéma était très différent des autres multiplexes de la région, qui étaient beaucoup plus modernes, ressemblant tous à des vaisseaux extraterrestres, avec à l’intérieur une section de jeux d’arcades et de machines à bonbons (je me rappelle d’avoir consommé un casse-gueule dans l’un d’eux, mais de l’avoir jeté par impatience). Je ne trouve pas de photo en ligne pour le prouver, mais ça ne me dérange pas. L’espace est en quelque sorte le mien. Peut-être que je l’ai inventé de toute pièce, mais c’est sous cette forme que je vais m’en rappeler. Être confronté à la réalité ne ferait que ruiner mon souvenir.

Avant de le revoir aujourd’hui je me souvenais vaguement du film. J’avais quelques scènes en tête — notamment la fin —, mais je ne me rappelais plus de l’expérience de le voir que du film (mais quel film ! Il est tard et je ne veux pas m’éparpiller encore trop longtemps, mais ce que fait Lucas avec les nouvelles technologies est incroyable et à l’avance sur son temps. Je pense que l’on sous-estime l’influence de cette trilogie sur l’industrie cinématographique actuelle). Et l’on dirait qu’au fil des années, ces images volcaniques (j’accuse d’ailleurs ce film d’avoir débuté mon amour pour les volcans) sont devenues synonymes avec la fermeture du cinéma, comme si la lave l’avait brûlé. Pourtant, l’image finale du film présage un nouvel espoir, elle nous montre que tout n’est pas terminé. Des cinémas ferment, alors que de nouveaux apparaissent. Il y avait des cinémas pour accueillir la première trilogie et il y en avait encore pour accueillir la deuxième et la troisième. Quarante années se sont écoulées et ils sont restés debout. Et j’espère que dans quarante ans ils seront là. Mais j’ai confiance. Ce n’est pas encore la fin.

(C'est tellement par hasard que je regarde le film le 4 mai. Je n'avais rien planifié du tout, je vous jure)

Star Wars: Episode I – The Phantom Menace (1999)

Je ne veux pas entrer dans un débat sur la qualité des œuvres, vous dire si cette trilogie est inférieure à la première, si elle est aussi mauvaise que certaines personnes semblent croire (non, elle ne l’est pas). Ce n’est pas ça le but de mon texte. Je veux le commencer en citant Sylvain et sa critique de Matinee, qui m’a beaucoup touchée ce matin quand je l’ai lue. Je n’ai pas ses mots ni son expérience théorique en cinéma (malgré mes études je ne me suis jamais considéré comme un théoricien, mais je ne veux pas entrer là-dedans !), et je vous invite vraiment à lire son texte si vous ne l’avez pas déjà fait parce que je crains de ne pas lui rendre justice, mais dedans, il parle de comment chaque film porte un sens qui nous est propre, un sens que nous ne pourrions pas partager avec quiconque même si nous essayions bien fort. Nous vivons chacun une expérience unique quand nous regardons un film. Même s’il nous est extérieur, il est en quelque sorte à nous. Nous nous approprions ce que nous voyons, tout en n’étant pourtant qu’un invité dans un nouvel univers. Parfois, nous ne sommes pas du tout compatibles avec le film et on l’oublie rapidement, mais d’autres fois il vient nous chercher, développe chez nous une signification qui nous est totalement personnelle. Certains films nous hantent pendant des années, alors qu’on en oublie d’autres après quelques minutes. Personnellement, plus les années avancent, plus peu de films m’interpellent autant qu’avant. Je ne suis plus impressionné comme je pouvais l’être. Je peux aimer un film, mais c’est de plus en plus rare que l’un vienne réellement me toucher et qu’il me hante, comme le font encore si bien d’autres.

Peut-être est-ce que c’est parce que je suis vraiment une mamie qui déteste le cinéma, peut-être que je suis simplement blasé, je n'ai aucune réponse à vous offrir, mais je m’ennuie un peu de cet émerveillement de l’enfance face au cinéma. Revoir cet épisode de Star Wars chez mes parents était comme embarquer dans une machine à voyager dans le temps et m’a rappelé ce sentiment. C’était le seul de la saga que j’avais en VHS. Je le regardais constamment. J’avais même une affiche, la plus connue, celle avec l’ombre de Darth Vader derrière Anakin. J’avais de nombreux Legos. Des draps représentant les vaisseaux. Le costume d’Obi-Wan et mon propre sabre laser. Je recréais la confrontation finale avec Darth Maul avec mon ami lors de nos récréations. C’est avec ce même ami que j’ai vu le deuxième au cinéma, mais c’est avec mes parents que j’ai assisté à la conclusion de la trilogie, dans l’ancien Cineplex du quartier Saint-Roch. Le revoir ici m’a rappelé qu’à une époque, Star Wars prenait une grande place dans ma vie. Mais pas le Star Wars des épisodes 4 à 6, mais bien celui des épisodes 1 à 3, qui sont ceux avec lesquels j’ai vieillis.

Ces films portent un sens qui m’est totalement personnel, un qui transcende le bon goût et qui ne peut être expliqué logiquement à qui que ce soit. J’avais cinq ans quand The Phantom Menace est sortie. Je me rappelle qu’il y avait des publicités PFK avec des séquences du film et qu’ils annonçaient une promotion venant avec un Frisbee Star Wars. Je détestais PFK, mais j’ai eu le Frisbee (pour être honnête, il était mou et ne volait pas très bien). Je ne lisais pas les critiques à cette époque, je ne savais pas que les gens n’aimaient pas l’épisode, moi je l’aimais et c’était ça l’important. Et au fil des années, j’ai oublié cet amour. J’ai renié Star Wars, tout comme je reniais un grand pan du cinéma que j’aimais enfant, un cinéma populaire qui ne représentait pas cette vision nouvelle du cinéma que je développais. Maintenant, je pense différemment, mes années de snobisme sont derrière moi et j’essaie à nouveau de retrouver l’émerveillement des premiers jours. Je recherche une forme d’émotion brute. Dans une autre critique lue sur ce site, l’auteur mentionne que ce qu’il aime ce sont les films qui lui donnent l’impression de mourir, bref une expérience cinématographique qui devient purement spirituelle. C’est d’ailleurs comme cela que je décris mon rapport avec le film que je considère comme mon préféré, Syndromes and a Century — loin d’être seulement émotionnel, mon lien avec le film de Weerasethakul est carrément mystique. Je sonne un peu comme un gourou New Age. Je m’égare. Mourir devant un film est en quelque sorte l’objectif de ma recherche. Je ne demande qu’à défaillir.

En tout cas, les films que j’aime sont ceux qui me rappellent ce que c’était être un enfant de cinq ou six ans qui adorait Star Wars et qui rêvait d’être Obi-Wan Kenoby (et oui je peux ressentir ça devant un film de James Benning ou de Peter Hutton). Maintenant, l’enfant de vingt-cinq ans voudrait plutôt être Qui-Gon, mais ça c’est juste la preuve que j’ai grandi et que mon chemin de vie est bien différent de ce qu’il était à l’époque. Regarder The Phantom Menace ce soir, même si je n’ai plus les yeux que j’avais il y a vingt ans, m’a rappelé l’importance du cinéma dans ma vie. Et pour ça je lui suis très reconnaissant. Il m’a rappelé d’où je viens.

(En relisant le texte, je réalise que je me suis légèrement perdu en cours de route. J’ai pris trop de temps à l’écrire, j’ai laissé mon cerveau divaguer. Au fond, peut-être que tout ce que j’ai essayé de faire c’était de vous expliquer ce rapport si spécial que j’entretiens avec ce film, mais comme l’écrivait Sylvain avant moi, il est totalement impossible de le faire. J’ai coupé une grosse partie où on aurait dit que j’essayais de justifier mes goûts, mais c’était plutôt inutile et pas du tout intéressant. J’essayais d’y théoriser une certaine vision du cinéma, mais je n’y arrivais pas très bien. J’ai hésité très longtemps à publier le texte que vous venez de lire, mais j’ai fini par le faire, parce que bof, je ne voulais pas avoir perdu tout ce temps pour rien. En tout cas, c'est clairement mon plus long texte sur cette plateforme. Ne vous habituez pas, je doute que vous allez me lire bien souvent !)

The Passion of Joan of Arc (1928)

« Je comprends qu’à son époque ce film ait fait une petite révolution, mais maintenant je ne vois plus, chez tous les acteurs, que d’horribles pitreries, des grimaces épouvantables qui me font fuir », Robert Bresson

Je suis moins dur que Bresson ; j'aime comment Dreyer semble vouloir réaliser une encyclopédie du grotesque en cataloguant les visages grimaçants du jury, mais le film tombe rapidement dans l'excès, et la fin est inefficace, ridicule, une parodie d'Eisenstein. Aussi, je ne partage pas du tout sa vision de Jeanne d'Arc : alors qu'il la voit accablée, quand je lis le procès de condamnation, je la vois fière et têtue, forte même devant la mort. Je retrouve cette représentation chez Bresson, Rivette et Dumont, mais pas ici, où Jeanne, dès qu'on lui demande de réciter Notre Père, pleure jusqu'au bûcher.

C'est un beau film sur la foi et sans aucun doute l'un des meilleurs films muets, mais cette représentation exagérée des émotions n'est pas pour moi. Peut-être que mon problème c'est seulement que j'ai trop lu sur Jeanne d'Arc et que je refuse d'accepter une autre vision que la mienne, ou peut-être bien que mon problème c'est que je suis tanné d'écrire et de lire sur ce film et que j'ai hâte de passer à autre chose...

Two for the Road (1967)

Ils s'aiment et se détestent et s'aiment et se détestent et nous nous pleurons devant leurs querelles et taquineries. La fin, quand leurs figures présentes roulent à côté de leurs figures passées, est si touchante et belle que je vais encore y penser pendant plusieurs semaines.

Aussi, mon amour pour Audrey Hepburn vient de renaître de ses cendres. Toutefois, était-il bien mort ? Ou attendait-il patiemment que je me décide à regarder l'un de ses films ? Elle m'avait manquée, ne soyez pas surpris si dans les prochains jours je vous spam avec sa filmographie. Enfin, ça c'est si j'ai le temps...

En tout cas, je pleure toujours en écrivant cette petite critique. Je m'ennuie déjà. J’avais vraiment besoin de pleurer devant un film, cela faisait trop longtemps. Je me sens si léger.

Chien de garde (2018)

La vraie vedette de Chien de garde, ce n’est pas Théodore Pellerin, mais la pizzéria Mory, la meilleure pizza de Verdun. Là que pour une scène, mais éternellement dans mon cœur. Mon seul plaisir dans ce film en fait était de retrouver des endroits familiers du quartier, dont je m’ennuie un peu. J’y habitais de mon arrivée à Montréal en 2014 jusqu’à l’année dernière, et même si j’étais exaspéré d’être loin de tout, j’aimais la proximité de Verdun au fleuve, puis tous ses petits restaurants aux vitrines douteuses, mais à la bouffe réconfortante. J’aimais ses gens uniques au quartier, roulant en triporteur pour aller au dépanneur, voisins d’étudiants sans argent. J’aimais sa piste de danse extérieure, la musique de Noël sur Wellington, les murales pas belles. Et puis je m’ennuie de cette pizza et des frites dont Théodore fait l’éloge.
Enfin, pour revenir au chien, je suis tanné des films comme ça, filmés de cette façon-là. Est-ce qu’au Québec on est capable de faire quelque chose d’autre ? Ou sommes-nous pognés à faire du réalisme social jusqu’à l’écroulement inévitable de notre société ? J’en ai assez des personnages mal dans leur peau, de la musique dramatique sur des ralentis de gens qui pleurent, des personnages qui se crient après et puis des familles dysfonctionnelles où le père est toujours absent. Pourquoi tant de lourdeur dans notre cinéma ? Pourquoi tant de situations difficiles ? Pourquoi cette fascination pour les oubliés du système, pourquoi autant de misérabilisme ? Je peux penser à de nombreux films qui abordent des thématiques similaires sans pour autant tomber dans les clichés qui affligent Chien de garde. Ne parlons même pas du plan final, sans conteste la fin la plus accidentellement drôle de 2018 (tout près de Hereditary).

Maintenant, j’ai juste envie de manger de la pizza et de lire sur le bord du Saint-Laurent.